Les Jardins de Pan

Philippe et Claire

03.08.2017

"Wouaouh !"

Voilà ma première réaction lors de notre arrivée aux Jardins de Pan. Ces jardins portent parfaitement leur nom puisqu'on arrive dans un domaine qui pourrait être sorti de l'imaginaire mythique de la Grèce antique par sa beauté. Claire et Philippe ont sans nul doute le goût de l'esthétisme. Accueillis par le dynamique Philippe sortant de sa maison joliment rénovée, il nous emmène de l'autre côté de la maison où se trouve le jardin en permaculture. Les fleurs se mélangent harmonieusement aux légumes sur des planches de culture qui suivent une belle ligne courbe, et donnent ainsi de la rondeur au jardin. Deux serres tunnels s'étendent en bas de la pente douce et laissent place à un potentiel futur jardin-forêt bordant une mare. Une très jolie serre à semis adossée au mur de la maison domine le jardin.

Pan est le dieu de la Nature, protecteur des bergers et des troupeaux dans la mythologie grecque. Souvent représenté comme une créature chimérique, mi-homme mi-bouc.

Un virage serré mais maitrisé en direction…

...de la campagne

Philippe et Claire sont originaires de la Marne. Lui y était commercial et elle comptable. L'envie de changer de vie et l'arrivée de leur fils ont fait qu'ils se sont lancés dans l'aventure paysanne. Ces autodidactes ont choisi la Haute Vienne pour les prix attractifs des terrains, la nature préservée, la qualité de l'environnement, l'absence alentour de grandes cultures et la présence de points d'eau. Ils choisissent d'abord de rénover la maison avant de commencer les travaux extérieurs. Ils font tout eux même et dans un esprit « écolo ». Ils ont ainsi choisi d'installer des toilettes sèches et de la phytoépuration. La phase de travaux qui devait durer 6 mois en dure finalement 10. Ils lancent leurs 15 premiers paniers en 2016.

Des paniers de légumes plus bio que bio !

Le terrain fait 2 hectares dont 2000 m² de bois. L'ex-prairie pâturée laisse aujourd'hui place à des planches en terrasse suivant les courbes de niveau.

Il a fallu casser la prairie au tracteur avant la mise en culture. Après cela Claire et Philippe ne se sont muni que d'une tondeuse, d'une motobineuse et des outils manuels classiques du jardinier pour entretenir le jardin. Ils laissent les plantes se débrouiller puisqu'à part un peu de lait pour lutter contre le mildiou, aucun traitement n'est appliqué sur les cultures. Les planches bénéficient d'une belle exposition plein sud et bientôt de l'irrigation grâce au point d'eau situé en bas du terrain.

Cependant ce n'est pas pour rien que c'est une région d'élevage. Le maraîchage et l'arboriculture ne sont pas évidents puisque la période sans gel est très courte, environ 4-5 mois. Les écarts de températures sont assez importants dans une même journée, il n'est pas rare qu'au mois de mars il gel la nuit et fasse 25°C l'après-midi.
Les semis, qu'ils mènent entièrement, peuvent débuter à l’abri du gel dans la serre auto-construite adossée à la maison. Elle bénéficie d'une bonne inertie thermique et en période de grand froid le poêle à bois situé au centre peut être allumé.

Les plantons sont ensuite transférés dans les planches de culture ou dans les serres tunnels pour les plus frileuses. La terre est gardée couverte par du paillage. Le sol est riche mais argileux et donc à tendance hydromorphe (ie qui est régulièrement saturé en eau) lors des épisodes de pluie.

Des essais de butte ont été effectués pour améliorer le drainage mais les deux dernières années ayant été particulièrement sèches les buttes sont devenues très dures. Des engrais verts ont donc été semés pour essayer de les décompacter et d’améliorer la terre.

"On pourrait passer une vie entière à étudier le feeling avec la terre et la biodiversité. Il faut sentir la terre : parfois je suis devant une planche de culture et je sens qu’ici les choux seront mieux que les poireaux."
Philippe

Claire et Philippe arrivent à fournir 45 paniers (en osier et fabriqués localement !) livrés à Limoges et aux locaux et à faire de la vente à la ferme le vendredi. La demande est forte puisqu'il faut s'inscrire sur liste d'attente pour avoir son panier. Ils fournissent également la cantine de leur fils.
Tout cela demande du temps : ils consacrent entre 8 et 10 heures par jour à ces activités quasiment toute l'année (l'hiver étant un peu plus tranquille). Cela ne les empêche pas d'avoir de nombreux projets en tête...

Des projets plein la tête

Philippe et Claire souhaiteraient rénover la grange à côté de leur maison pour permettre d’accueillir du monde, comme par exemple des stages.

Ils achètent actuellement leurs semences chez un grainetier bio mais envisagent un jour de produire leurs propres semences. Ils pensent également à participer à « 1001 semences limousines » qui confie une variété végétale à chaque agriculteur. Celui-ci la multiplie et l’échange ensuite avec les autres agriculteurs du réseau. Cela leur permet d’être indépendants des semenciers et d’avoir des graines adaptées au Limousin. Ils imagineraient bien un jardin-forêt en bas de leur terrain et des cabanes dans les arbres de la partie boisée.

Les leçons tirées de leur expérience

Claire et Philippe sont plutôt satisfait du chemin parcourus depuis leur conversion au maraichage puisque Philippe ne changerait rien à ce qu’ils ont fait si cela était à refaire ; et Claire pense qu’il aurait fallu prendre plus de temps pour réfléchir à leur mode de consommation énergétique mais que sinon leur planification était bien pensée.
Ces autodidactes confient que l’accès à la terre n’est pas facile et qu’il est important d’avoir un fond de trésorerie pour démarrer cette activité. Il ressort de leur expérience qu’il faut bien prendre le temps de penser les choses, d'organiser l'espace, le temps et les actions méthodiquement.